La start-up Elleboss.fr s’engage contre la précarité d’un public plus spécifique : les femmes.

Par Samir Hamladji

La « hype » est incontestable. Depuis la fin de la pandémie de coronavirus, les travailleurs indépendants jouissent d’une image plus tendance que jamais . De valeureux fantassins qui ont érigé la liberté en porte-étendard et qui ont fait de la quête de sens et des valeurs des critères incontournables au moment de choisir leurs missions. Car, en effet, les freelances semblent n’avoir que l’embarras du choix au moment de s’affairer à leurs tâches et attisent les convoitises d’entreprises qui redoublent d’ingéniosité pour les attirer dans leurs filets.

Un tableau idyllique, comme en attestent les derniers chiffres de l’étude diligentée, en mars 2024, par Malt , l’une des plateformes de référence du secteur. Ainsi, 90 % des travailleurs indépendants interrogés ont fait du freelancing leur choix de carrière et ne cherchent pas activement un emploi salarié à temps plein.

Autre enseignement : 72 % des sondés déclarent gagner autant, si ce n’est davantage, d’argent que lorsqu’ils disposaient d’un contrat à temps plein. Un dernier point qui fait particulièrement réagir Héloïse, 32 ans, journaliste-rédactrice qui, selon l’expression consacrée, peine à joindre les deux bouts.

Au sein d’un secteur hautement concurrentiel, la jeune femme, qui a embrassé la voie de l’indépendance depuis maintenant trois ans – « au sortir de la crise sanitaire » – éprouve des difficultés à trouver des missions pérennes. « Lorsque je sollicite des rédactions, celles-ci ne prennent que rarement le temps de me répondre. Quand je parviens à établir le contact, les réponses sont, le plus souvent, assez évasives et l’échange s’éteint de lui-même », déplore la journaliste. Si elle est néanmoins parvenue à obtenir quelques piges, il s’avère complexe de s’installer dans la durée auprès d’une rédaction. Car liberté ne rime pas, dans le cas d’Héloïse, avec sécurité financière. Cette dernière envisage d’ailleurs de se tourner vers la communication institutionnelle, « plus rémunératrice », et de renoncer à son statut de journaliste. « Mais c’est encore flou dans mon esprit, je change chaque jour d’avis. »

« Devenir freelance n’est pas un risque, mais une opportunité »

Des cas similaires ont jalonné le quotidien et le parcours de Jean-Hugues Zenoni, 59 ans, qui préside aux destinées de Freelance.com, autre plateforme de référence de mise en relation entre travailleurs indépendants et entreprises.

Ce dernier considère le fait de « basculer » vers le statut de freelance non pas comme un risque, mais davantage comme une opportunité. Et d’expliciter son propos : « Vous avez, d’un côté, des entreprises qui ont des besoins et, de l’autre, des gens qui disposent de compétences toujours plus affinées. Si certaines entreprises ont encore des biais historiques pour ne pas recourir aux freelances, il faut les combattre et insuffler une nouvelle culture et de nouveaux usages. L’innovation est du côté des freelances. »

Aux yeux du dirigeant de Freelance.com, chaque nouvel usage entraîne une période d’adaptation. « L’innovation et la prise de risque peuvent être assimilées à une certaine forme de précarité et susciter les moqueries. C’est une réalité, mais on finit toujours par y adhérer. »

Pour autant, à l’instar d’autres entités, Freelance.com accompagne ses ouailles sur le terrain de la formation, afin de prévenir les risques « d’enlisement » du travailleur indépendant qui ne parviendrait pas à déployer ses compétences et, de facto, susciter l’intérêt de potentiels employeurs, fussent-ils éphémères.

« Nous avons notamment, par le passé, formé plusieurs candidats sur des problématiques de présentation de CV ou de prises de parole en public . Nous sommes particulièrement soucieux d’apporter un savoir-être aux personnes que nous accompagnons », détaille Jean-Hugues Zenoni. Une volonté louable à laquelle souscrit également, et peut-être davantage, la start-up Elleboss.fr, qui s’engage contre la précarité d’un public plus spécifique : les femmes.

Ainsi, cette entité, dirigée par le tandem Juliette Mandrin et Nicolas Jaboulay, met en place des mesures concrètes, afin que les travailleuses indépendantes puissent bénéficier des mêmes avantages – « à l’exception de l’assurance-chômage, malheureusement », notifie Juliette Mandrin – en matière de ressources humaines que leurs homologues salariées.

« Beaucoup de femmes ne savent malheureusement pas assez bien se vendre »

Ainsi, comité d’entreprise, gestion des paiements ou encore prévoyance et mutuelle font partie du « package » auquel peuvent souscrire les femmes freelances désireuses de rejoindre la galaxie Ellesboss.fr, grâce également au concours de Malakoff Humanis . Une forme de portage salarial en somme ? Pas tout à fait, comme l’explique la dirigeante.

« Nous nous distinguons du portage salarial, car nous offrons également des missions, ce que ne fait pas le portage, et nous sommes également le relais commercial de nos freelances, qui disposent d’énormément de compétences, mais qui ne savent pas assez bien se vendre. » Juliette Mandrin veut ainsi inciter les entreprises à travailler et à piocher dans son vivier de compétences. « Nous avons beaucoup d’expertes dans leur domaine avec, a minima, dix ans d’expérience, mais qui ne savent pas toujours se positionner à leur juste valeur . Nous les accompagnons avec du coaching sur leurs problématiques de positionnement, de leadership, et de grilles tarifaires, afin qu’elles aient la connaissance des prix du marché. »

Divers parcours de vie jalonnés de moments de doutes qui font écho à celui de Juliette Mandrin. Et qui ont sans doute achevé de la convaincre de mettre sur orbite Elleboss.fr aux côtés de son compagnon.

« Je me suis moi-même lancée, il y a quelques années, en tant que freelance dans le monde du recrutement sans avoir la moindre connaissance de ce milieu. Entre-temps, j’ai divorcé et je suis retournée vivre chez mes parents avec mes deux enfants de 9 et 11 ans. J’ai cumulé la précarité d’être freelance et d’être à la tête d’ une famille monoparentale. »

Et de conclure. « J’ai vécu cette situation et c’est aussi pour cela que ce sont des sujets sur lesquels je m’engage et me bats. »