A rebours des généralistes comme Malt ou Freelance.com, ces start-up mettant en relation des indépendants et des entreprises, telle elleboss, ciblent des publics spécifiques.

« L’idée n’est pas de faire une plateforme qui ressemble à toutes les autres », glisse Juliette Mandrin, fondatrice d’elleboss. Les autres ? Ce sont les plateformes dites « généralistes » de free-lancing, qui se sont imposées ces dernières années : Malt, Freelance.com, Upwork et consorts, où l’on trouve des indépendants dans des secteurs très divers : tech, art, marketing, communication, commerce…

elleboss, qui vient de lever 400.000 euros, fait le choix de cibler un public spécifique : les femmes. L’entrepreneuse revendique 1.300 indépendantes dans la communication, la gestion administrative, les métiers du Web, de la qualité et des ressources humaines. En dehors des réseaux dédiés aux femmes, les plateformes de free-lancing ciblant cette population sont rares, à l’exception de The Mom Project aux Etats-Unis, une communauté de 1,2 million de mères. « L’idée est de travailler sur les déséquilibres entre les entrepreneurs femmes et hommes », poursuit la fondatrice.

L’Hexagone compte plus de 1 million de free-lances, une hausse de 92 % depuis 2009, année de la création du statut, note Statista. Les plateformes généralistes ont permis d’évangéliser et de faire connaître ces ressources aux entreprises. « A force de tout faire, vous ne faites en réalité rien », prêche Jean-Charles Varlet, à la tête de Crème de la Crème, une plateforme spécialisée dans les technologies de l’information (IT), avec 20.000 indépendants « triés sur le volet », qui cumulent huit à dix ans d’expérience.

Moins de choix

Même postulat chez LeHibou, qui s’attaque à tous les métiers de ce secteur. « Les gens associent souvent l’IT uniquement aux développeurs », remarque Christophe de Becdelievre, le patron. Sa plateforme, rentable, qui vise 80 millions de revenus cette année, compte aussi 20 % de seniors (plus de 50 ans) sur les 70.000 professionnels présents. « Ils ont des compétences et des savoirs techniques qui sont rares ou obsolètes, mais toujours utilisés dans certaines industries », détaille l’entrepreneur.

La popularité du modèle permet aux plateformes d’adresser des secteurs spécifiques, comme la finance, un domaine où le recours aux indépendants n’est historiquement pas d’usage en France. « Ce sont des métiers très spécifiques, avec des missions longues. L’approche est différente d’un développeur Web par exemple qui aurait un livrable très précis », détaille Grégoire Corcos, à la tête de FinStart, une plateforme dédiée aux métiers de la finance qui rassemble 2.500 profils.

« Avoir un nombre restreint de consultants est un avantage pour les clients, qui ne sont pas soumis à l’hyperchoix », poursuit-il. Le plus compliqué finalement, c’est plutôt d’aller chercher des professionnels de la finance désireux de travailler en indépendant. « Il y a encore un important besoin d’évangélisation sur le sujet dans la finance. Beaucoup, même des jeunes en sortie d’école, ne savent pas qu’ils peuvent être free-lances », indique le patron, qui a levé 3 millions d’euros en 2021.

Pourtant, le marché du free-lancing est tiré par une population plutôt jeune, en moyenne âgée de 37 ans, indique une étude du BCG pour Malt. Des professionnels motivés par une envie de travailler autrement, mais aussi par des revenus souvent supérieurs.

« La transformation globale du monde du travail, accélérée par la période du Covid, fait que les profils d’aujourd’hui cherchent à avoir une liberté et un équilibre dans leur travail, tout en occupant un métier passionnant », analyse Arnaud Sourisseau, à la tête de One Man Support, plateforme spécialisée dans les métiers du conseil, un autre secteur où le free-lancing s’immisce petit à petit.

La verticalisation appelle néanmoins un recrutement plus précis des indépendants présents sur les plateformes. Et implique de leur offrir des modèles plus intermédiés, avec des services pour les fidéliser. « Nous proposons des coworking, des formations, des événements de networking, un accompagnement administratif et financier », liste l’entrepreneur. Avec 3.500 indépendants référencés, et 53 millions d’euros de missions vendues en 2022, la start-up s’adresse à des professionnels très qualifiés, comme la plupart des plateformes.

Chez elleboss, la moyenne des diplômés atteint un niveau Bac+2. D’autres, comme StaffMe ou Student Pop s’adressent à une cible étudiante pour réaliser des petits boulots. La start-up Brigad, qui vient de lever 33 millions d’euros, vise l’hôtellerie-restauration et le sanitaire médico-social. Florent Malbranche, son fondateur, veut développer le « marché du free-lance pour les cols-bleus », indiquait-il récemment dans « Les Echos ». Et de conclure : « L’indépendance doit être possible dans tous les secteurs. »

 

C.W. pour Les Echos Start-Up

Et retrouvez l’article dans sa version PDF ici.